RENCONTRE MEAULNES YVONNE
Une 5ème édition présidée par lAcadémicien Jean-Christophe RUFIN venu dédicacer Le Grand Cœur, roman consacré à Jacques Cœur paru chez Gallimard. Persuadée que les sous me préoccupaient comme elle, la brave femme nattendait pas que jeusse soufflé pour me cacher dans la main ses très minces économies de la journée. Et par la suite cest toujours ainsi quelle maccueillit. La phrase de lImitation quil voulait mettre en épigraphe de ce récit, quil naurait jamais pu écrire, est sans doute le dernier mot dAlain Fournier : Fournier va en explorer toutes les facettes comme nombre de passionnés de sa génération pour, au final, trouver son propre style après son chemin de Damas dans une écriture, simple, limpide, accessible à tous. Fournier nécrit pas pour une pseudo élite Il écrit pour être lu. Cest son vœu le plus cher et sa réussite universelle.
Brusquement, dans le chemin étroit, la voiture fit un écart pour ne pas heurter un obstacle. Cétait, autant quon pouvait deviner dans la nuit à ses formes massives, une roulotte arrêtée presque au milieu du chemin et qui avait dû rester là, à proximité de la fête, durant ces derniers jours. Tout le sang à la figure, Yvonne de Galais était étendue, la tête renversée comme la veille. Les joues et le front rouge sombre, les yeux par instants révulsés, comme quelquun qui étouffe, elle se défendait contre la mort avec un courage et une douceur indicibles. Alain-Fournier 1886-1914, de son vrai nom Henri Alban Fournier, est un jour illuminé par Toutes les Sablonnières étaient en ruine, madame de Galais près de sa fin, quils cherchaient encore à lamuser et lui passaient toutes ses fantaisies. Cest lhiver dernier non, lautre hiver, quils ont fait leur plus grande fête costumée. Ils avaient invité moitié gens de Paris et moitié gens de campagne. Ils avaient acheté ou loué des quantités dhabits merveilleux, des jeux, des chevaux, des bateaux. Toujours pour amuser Frantz de Galais. On disait quil allait se marier et quon fêtait là ses fiançailles. Mais il était bien trop jeune. Et tout a cassé dun coup ; il sest sauvé ; on ne la jamais revu La châtelaine morte, mademoiselle de Galais est restée soudain toute seule avec son père, le vieux capitaine de vaisseau. A la lecture de lEvangile, il écrit à Rivière : Cest la perfection de mon art, le baiser de mon amour, la consolation de ma peine, lexaltation de ma joie. Ce nest pas, comme je lai cru, le livre de la pureté, écrit pour les anges ; cest une réponse inépuisable à toutes mes questions de lhomme cest comme une auberge, dont parle Jammes, une auberge bleue où je me suis assis sale et fatigué ; et, sur le coup de midi, je maperçois quelle ma porté au Paradis, où elle vient de senvoler, les ailes repliées. Un instant, au milieu de sa promenade agitée, il sarrêta et se pencha sur la table, chercha dans une boîte, en sortit plusieurs feuilles de papier Meaulnes vit, de profil, dans la lueur de la bougie, un très fin, très aquilin visage sans moustache sous une abondante chevelure que partageait une raie de côté. Il avait cessé de siffler. Très pâle, les lèvres entrouvertes, il paraissait à bout de souffle, comme sil avait reçu au cœur un coup violent. big bang theory rencontre sheldon amy rencontres miribel À quatre heures, dans la grande cour glacée, ravinée par la pluie, je me trouvai seul avec Meaulnes. Tous deux, sans rien dire, nous regardions le bourg luisant que séchait la bourrasque. Bientôt, le petit Coffin, en capuchon, un morceau de pain à la main, sortit de chez lui et, rasant les murs, se présenta en sifflant à la porte du charron. Meaulnes ouvrit le portail, le héla et, tous les trois, un instant après, nous étions installés au fond de la boutique rouge et chaude, brusquement traversée par de glacials coups de vent : Coffin et moi, assis auprès de la forge, nos pieds boueux dans les copeaux blancs ; Meaulnes, les mains aux poches, silencieux, adossé au battant de la porte dentrée. De temps à autre, dans la rue, passait une dame de village, la tête baissée à cause du vent, qui revenait de chez le boucher, et nous levions le nez pour regarder qui cétait. En mai 1913, au sortir de la première du Sacre du Printemps, il passe sa première nuit avec Simone et une semaine plus tard, lui écrit: Elles sarrêtèrent un instant pour regarder le paysage, tandis que Meaulnes se disait, avec un étonnement qui lui parut plus tard bien grossier : Valentine est placée devant moi. À chaque instant elle se retourne, inquiète, comme se demandant ce que je lui veux. Et moi, je me sens près delle, presque heureux ; je lui réponds chaque fois par un sourire. Le Vieux-Nançay fut pendant très longtemps le lieu du monde que je préférais, le pays des fins de vacances, où nous nallions que bien rarement, lorsquil se trouvait une voiture à louer pour nous y conduire. Il y avait eu, jadis, quelque brouille avec la branche de la famille qui habitait là-bas, et cest pourquoi sans doute Millie se faisait tant prier chaque fois pour monter en voiture. Mais moi, je me souciais bien de ces fâcheries! Et sitôt arrivé, je me perdais et mébattais parmi les oncles, les cousines et les cousins, dans une existence faite de mille occupations amusantes et de plaisirs qui me ravissaient. Imbécile! Je ne le sais pas moi-même, répondit Meaulnes, dans le silence déjà grand. Ses restes ne seront découverts quen mai 1991, dans une fosse commune où les Allemands lavaient enterré avec vingt de ses compagnons darmes. Mélancolique destinée, analogue à son œuvre, qui est courte et jolie, toute frissonnante de rêve, où le rêve est blessé, où le sourire même a quelque chose de triste, un air dincrédulité, écrivait joliment la Revue des Deux Mondes dix ans après sa mort, alors que paraissait Miracles, recueil de poèmes et de contes dAlain-Fournier. Centenaire de la parution du Grand Meaulnes : 2013 Je suis parti. Au bout de dix pas mes pieds butaient sur le trottoir et je manquais tomber. La nuit cétait la nuit dernière lorsquenfin les enfants et les femmes se sont tus, dans les cours, pour me laisser dormir, jai commencé dentendre rouler les fiacres dans la rue. Ils ne passaient que de loin en loin. Mais quand lun était passé, malgré moi, jattendais lautre : le grelot, les pas du cheval qui claquaient sur lasphalte Et cela répétait : cest la ville déserte, ton amour perdu, la nuit interminable, lété, la fièvre
Le temps, lui, semble sêtre immobilisé dans léternité dun instant, mettant en exergue cette minute où Meaulnes avait eu très près du sien le visage désormais perdu de la jeune fille! p. 70 Les personnages sont de ce fait paralysés comme sous leffet dun charme magique, et tout se déroule comme dans un rêve, dans un mélange de flou et de ralenti. objets de rencontre paris Linscription gratuite donne accès à 10 contenus cours, exercices, fiches ou quiz.
Désœuvré, le promeneur erra un long moment sur la rive sablée comme un chemin de halage. Il examinait curieusement les grandes portes aux vitres poussiéreuses qui donnaient sur des pièces délabrées ou abandonnées, sur des débarras encombrés de brouettes, doutils rouillés et de pots de fleurs brisés, lorsque soudain, à lautre bout des bâtiments, il entendit des pas grincer sur le sable. La conversation finit là. De nouveau la boutique fut un endroit plein détincelles et de bruit, où chacun ne pensa que pour soi. La vieille dame resta sur la rive, et, sans savoir comment, Meaulnes se trouva dans le même yacht que la jeune châtelaine. Il saccouda sur le pont, tenant dune main son chapeau battu par le grand vent, et il put regarder à laise la jeune fille, qui sétait assise à labri. Elle aussi le regardait. Elle répondait à ses compagnes, souriait, puis posait doucement ses yeux bleus sur lui, en tenant sa lèvre un peu mordue. Pourquoi la fiancée de Frantz sest-elle sauvée, comme si le bonheur était interdit?